En ce début de XXIème siècle l’industrie halieutique s’accorde à dire que le black bass est le poisson de sport le plus pêché au monde, le plus populaire et celui qui génère le plus gros chiffre d’affaire. Nous allons essayer de comprendre pourquoi le black bass est-il devenu le poisson champion de la mondialisation et comment en est-il arrivé là.
Le black bass est originaire du continent nord américain. Le terme « black bass » comprend en réalité 3 espèces principales dont le black bass à grande bouche (Micropteus salmoïdes), le bass tacheté ou spotted bass (Micropterus punctulatus) et le bass à petite bouche ou smallie (Micropteurs dolomieu). Il existe d’autres espèces de black bass, mais leur poids dans la balance est négligeable en comparaison de ces 3 espèces-là.
Contrairement à une idée reçue le succès des introductions de black bass à l’étranger est très relatif. Si sa présence dans sa patrie d’origine (USA, Canada et Québec) s’est renforcée ces 50 dernières années, il n’est finalement présent que dans très peu d’autres endroits du monde. En Europe on le trouve principalement dans les pays du sud (et encore, pas tous) : Italie, Portugal et Espagne principalement, puis en France et en Croatie de manière très locale. En Afrique, mis à part le sud du continent (Afrique du Sud, Zimbabwe, Swaziland et Namibie) et l’extrême nord (Maroc), il est absent partout ailleurs. En Asie, il fut très récemment introduit près des grandes métropoles chinoises mais c’est au Japon qu’il est le mieux représenté. Et c’est tout ! On le voit, le succès du black bass ne vient pas de son omniprésence mondiale, comme c’est le cas pour la carpe par exemple. Là où il est présent le black bass déchaîne les passions, et là où il est absent il construit un rêve, nourrit une attente et provoque une frustration qui se matérialise par une dévotion quasi mystique, assurément fantasmatique.
USA, le marché numéro 1 du black-bass
Un récent sondage auprès des industriels de la pêche de loisir de chaque pays donnait les tendances actuelles et les perspectives à venir. Aux US, aucun mystère : loin devant toutes les autres pêches c’est le black bass aux leurres qui se hisse en tête et très largement. Quant aux perspectives, elles indiquent la même tendance avec un accroissement encore plus net de cette pêche par rapport aux autres. Quand on sait que le marché US est le plus gros marché mondial, on comprend mieux cette prédominance de l’industrie du bass dans le monde. Les 30 millions de pêcheurs de bass américain, avec leur pouvoir d’achat élevé, pèsent décidément très lourd sur cette petite terre de pêcheurs ! Et même si le marché japonais, le deuxième plus gros arrive second, il n’est absolument pas comparable.
Mais cet argument du poids économique de l’Amérique sur le reste du monde ne suffit pas à tout expliquer. Car partout ailleurs où le bass a été implanté, il constitue un gros marché relatif, malgré l’énorme handicap de départ de ne pas faire partie du patrimoine culturel local (comme chez nous, l’ouverture de la truite en mars, ou la pêche du saumon au Canada ou en Ecosse et en Norvège).
Pêcher le black-bass est une pêche ludique
La pêche du black bass proprement dite sera mieux abordée dans une série d’articles de fond, plus poussés techniquement. Parce qu’elle constitue un plaisir immédiat très accessible, la pêche du black bass aux leurres est aujourd’hui la plus pratiquée. L’argument est tellement connu et repris à longueur d’année qu’il devient un lieu commun, un poncif. Bien sûr que la pêche du bass est une des plus séduisantes au monde, là n’est plus le débat : quiconque a eu le bonheur de tenir un black bass au bout de sa ligne voudra tôt ou tard se donner les moyens d’en attraper plein d’autres. C’est un fait, et le dynamisme des marchés US, japonais et même ceux de l’Afrique du Sud et de l’Europe du Sud n’en sont que le reflet.
L’avenir est à la pêche du black-bass
Le poids démentiel du bass fishing américain se matérialise aujourd’hui de manière médiatique. Les circuits de compétition professionnels que sont B.A.S.S. et F.L.W. se livrent une guerre médiatique inédite, à la TV et surtout sur Internet. Des programmes TV comme la Major League Fishing, disponible dans le monde entier en pay per view participe à cet essaimage mondial. Le black bass est présent partout, sur tous les écrans du monde. F.L.W. s’est d’ailleurs très récemment installé sur le marché chinois pour organiser de grandes compétitions. B.A.S.S. de son côté intensifie ses « colonies » en annonçant de nouvelles antenne en Europe, en Afrique et même en Australie où le black bass est pourtant absent ! Le monde halieutique est en train de tourner « black bass ».
On peut résumer le phénomène ainsi : de la même manière que les US importent leur cinéma à travers le monde entier, le monde entier est aujourd’hui entièrement black bass-isé, comme il est hollywood-isé. Aujourd’hui les dates de sortie des films sont simultanées au niveau mondial, les nouveautés concernant le matériel le seront aussi demain. Et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui les perspectives de développement du marché français et européen sont tournées vers la pêche aux leurres, même s’il n’y a pas beaucoup de black bass.
Fantasme sur le black-bass
Nous avions évoqué aussi plus haut qu’il existait une pratique fantasmatique de la pêche du bass dans les régions où il est absent. Cette pratique fait intervenir généralement de jeunes pêcheurs ; très sensibles médiatiquement ils aiment la culture mondialisée du bass et l’avalent sans la mâcher. Toutes les techniques de pêche du bass sont alors avantageusement détournées pour pouvoir capturer les carnassiers présents : brochets à la frog, sandres en linéaire ou perches au drop shot.
En France de nombreuses AAPPMA et quelques Fédérations Départementales ont bien compris le phénomène et entament (certaines depuis plus de 10 ans) des campagnes d’empoissonnement en black bass. Bien souvent ces dernières restent trop timorées et largement insuffisantes pour installer des populations durables, mais l’élan est insufflé. Le problème actuel de la France est le manque de moyens financiers engagés. L’argent des Fédérations reste bien souvent bloqué sur des comptes en banque, et les alevinages se font à dose homéopathique et de manière trop disparate.
Mais par-ci par-là des plans d’envergure sont ambitieusement lancés pour tenter de répondre à cette demande croissante en black bass. La chute des effectifs de pêcheurs en France ne peut faire l’économie d’une telle aubaine : cette médiatisation mondiale du black bass est une publicité totalement gratuite pour la pêche. Partout où le black bass est implanté durablement et bien géré, les effectifs de pêcheurs augmentent sans ralentir. Ce poisson a le don de recruter des non pêcheurs pour les convertir, car sa pêche est parfaitement adaptée au style de vie actuel : rapide, ludique, active et relaxante. Et nous allons en reparler très bientôt, bien plus en détail…