Quand c’est la grande bouffe… pour les carpes!

Adapter les quantités d’amorçage est une science que personne ne maîtrise à la perfection. Les amorçages massifs ont maintes fois fait la preuve de leur efficacité pour la pêche à la carpe, mais ils ne sont pas toujours la meilleure solution.

La notion d’amorçage massif est invariablement abordée lors de discussions entre pêcheurs. Efficace dans certain cas, catastrophique dans d’autres, les gros amorçages sont à l’image de toutes les stratégies de pêche : à ne mettre en place que dans certains cas de figure. Types d’appâts, choix du poste, évaluation du cheptel sont autant de paramètres qu’il faut maîtriser pour aboutir à une stratégie efficace. Dans l’imaginaire, posséder beaucoup de bouillettes et amorcer massivement est forcément gage de réussite. Nous allons voir que tout n’est pas si facile.

Pêcher la carpe sur des amorçages massifs
Prise sur un amorçage massif
10 kg de bouillettes

Qu’est-ce qu’un amorçage massif et quand le mettre en place ?

Un amorçage massif consiste à déverser une grande quantité d’appâts dans sa zone de pêche… mais surtout : plus la zone est vaste et plus la quantité devra être importante. Mon frère et moi commençons à parler d’amorçage massif lorsque nous mettons à l’eau au moins 15 kg d’appâts par jour. Cette quantité peut monter à 20 kg voire plus quand les conditions s’y prêtent. Lorsque l’on parle de gros amorçages, on s’imagine à tort qu’il doit être réalisé à la bouillette. Les gros amorçages à la graine fonctionnent très bien, mais ont l’inconvénient d’être moins sélectifs que ceux à la bouillette. Les quantités d’amorçage devront alors prendre en compte la densité de poissons blancs présents dans la zone.

Cette stratégie, assez extrême il faut le dire, n’est pas à mettre en place dans n’importe quel contexte. La première donnée à prendre en compte est la qualité des bouillettes. Je vais essayer de ne pas vous chanter le refrain habituel en vantant telle ou telle marque. Je voudrais juste insister sur un point : un amorçage massif requiert des appâts digestes. Il faut des bouillettes légères, pauvres en matières grasses et pas trop riches en protéines. Les proportions de farines animales doivent être considérablement réduites au profit des farines végétales. Fini les appâts qui sentent le poisson ou le calamar à plein nez : 20 à 30 % de farines animales sont le maximum que doivent contenir des appâts destinés à de tels amorçages.

L’autre donnée à prendre en compte est évidemment la zone où l’on désire mettre en place cet amorçage, elle doit être choisie avec soin. Ce choix déterminera l’ensemble des résultats de la session. Dans la plupart des cas on plébiscitera une zone de tenue pour être certain que l’amorçage aura tôt ou tard un impact sur les poissons du secteur. Il est important alors de se souvenir de tout ce que l’on connaît sur le lieu de pêche. Il est bien de prendre le temps d’analyser les sessions que l’on a préalablement faites et d’en extraire un maximum d’informations. Une fois compilées, ces informations permettent de s’orienter vers des postes où une telle stratégie a des chances de fonctionner. Il est délicat de tenter un amorçage de masse la première fois que l’on pêche un lac ou une rivière. On s’expose alors à un sévère retour de bâton.

Les amorçages massifs ne se font pas qu’à la bille !
Elle semble avoir mangé beaucoup d’appâts

Une stratégie pour de longues sessions

 Amorcer lourd est une stratégie que l’on peut qualifier d’évolutive : elle nécessite du temps pour être efficace. Elle a pour but de fixer un maximum de poissons sur le coup et de les conditionner aux appâts proposés. Dans certains lacs peu ou pas pêchés cette technique permet aux poissons « sauvages » de se diriger progressivement vers la nourriture artificielle. Dans cette optique l’amorçage de grosses quantités d’appâts ne correspond pas à des sessions courtes. Prenons un exemple : un pêcheur arrive sur un poste pour 48 heures. Il observe quelques signes d’activité. Galvanisé, il opte pour un amorçage conséquent et s’empresse de balancer 15 kg de billes carnées, bien grasses sur son spot. Ce pêcheur ignore en fait qu’il n’y a qu’une demi-douzaine de poissons devant lui. Certes, ils sont en phase d’activité alimentaire, mais entre la nourriture naturelle et les quinze kilos de bouillettes reposant sur le fond, les poissons sont vite saturés. Ce pêcheur n’a plus qu’à espérer que, par chance, une des carpes trouvera sa bille au milieu des centaines se trouvant tout autour.

Les amorçages massifs doivent être mis en place que lorsque l’on pense rester minimum une semaine sur le même poste. Je dirais même que c’est au bout de dix jours que la technique commence à être vraiment efficace. En dix jours, la plupart des poissons du secteur ont commencé à se nourrir de bouillettes. Au début, avec parcimonie, les carpes se tournent de plus en plus vers ces appâts faciles d’accès. Les départs augmentent de manière exponentielle. Détail important, les gros poissons commencent aussi à rentrer sur l’amorçage permettant parfois la capture de trophées. Vous l’aurez compris, la mise en place d’une stratégie d’amorçage massif nécessite d’être patient et statique. Mon frère et moi concevons la pêche plus comme une traque que comme une attente. Changer de poste régulièrement pour suivre ou intercepter les poissons correspond davantage à notre type de pêche. Mais il nous arrive parfois, quand les conditions sont réunies, de se prêter au jeu de l’amorçage massif pour déjouer la méfiance d’un ou deux gros poissons.

Pour ceux qui comme nous ne sont pas vraiment patients, il existe une solution. Celle-ci consiste à amorcer massivement un endroit du lac pendant plusieurs jours et à pêcher d’autres endroits au spot pendant que l’amorçage travaille. Cette stratégie n’est pas efficace dans un lac de 5 hectares, cela va de soi. Cette approche permet de toucher plusieurs bancs de poissons différents et de ne pas perdre plusieurs jours à attendre les départs sur le poste amorcé. Une certaine logistique est nécessaire pour mettre ceci en place, mais les résultats sont souvent à la hauteur de l’investissement.

Magnifique poisson

Avantages des gros amorçages

La chose la plus importante dans la pêche de la carpe est de réussir à trouver des bons spots pour poser ses montages. C’est un travail fastidieux, qui demande du temps et de l’investissement. Les amorçages massifs possèdent un énorme avantage : ils permettent de gommer en quelque sorte cet effet « spot ». Je m’explique : un poisson a ses habitudes : il se déplace de spot en spot pour se nourrir. Ce sont des endroits qu’il connaît très bien où il sait qu’il a de fortes chances de trouver de la nourriture. Lors de ses déplacements il va survoler le tapis d’amorçage et va petit à petit commencer à manger des appâts, délaissant au fur et à mesure ses spots de prédilection. Il ne mange plus à des endroits précis. Si l’amorçage est efficace, les poissons mangent même sur toute la zone. Il n’y a plus qu’à placer un montage dans cette zone pour faire un départ. Cela permet au pêcheur de prendre du poisson sans avoir trouvé les spots précis d’alimentation. Mais il ne faut pas oublier une chose. Un pêcheur qui aura réussi à dénicher initialement les bons spots aura les mêmes résultats que le carpiste qui aura beaucoup amorcé, mais en deux fois moins de temps. La conclusion de tout cela, c’est que l’amorçage massif revêt un intérêt lorsqu’il est difficile de trouver des spots (fonds uniformes, pentes sans reliefs).

Le second avantage des amorçages lourds est l’accoutumance progressive des carpes vis-à-vis des appâts. Avant de mordre à l’hameçon, les poissons ont souvent gouté un bon nombre de bouillettes. Ils sont donc en confiance même dans des zones où la pression de pêche est élevée. Il est ainsi possible de maintenir des poissons sur un poste même si quelques départs viennent troubler la sérénité de la zone. Ils se remettent à table rapidement. Peu inquiets, les poissons se nourrissent sans stress et se piquent bien : les décrochages se font en principe plus rares.

Amorcer 20 kg au cobra n’est pas de tout repos
Victime d’un amorçage copieux

Conclusion

L’amorçage n’est pas une chose à prendre à la légère, l’amorçage massif encore moins. Des vidéos sous-marines et nos propres observations en plongée nous ont appris que, bien souvent, les carpes ne se saisissent que de quelques bouillettes lorsqu’elles sont sur un coup. Après quoi elles passent leur chemin. Avoir trop de bouillettes à l’eau réduit alors considérablement les chances d’avoir un départ. À l’inverse, un bon amorçage massif bien préparé, un changement de temps favorable et c’est le carton assuré. Dans 10 ans, les auteurs halieutiques continueront à écrire des articles sur les différentes stratégies d’amorçage, car il n’y pas de règles générales. Chaque stratégie est unique, comme chaque session. À vous de faire le bon choix !

Que faire ? Amorcer à la bouillette ou à la graine ? Le choix n’est parfois pas évident ! Pourquoi, dans ce cas-là, ne pas faire un mélange des deux ? Une bonne quantité de graines aura pour effet de mettre le poste en activité. Un mélange chènevis/maïs/tiger nuts est idéal. Les poissons blancs vont se jeter sur les graines. Les carpes ne sont pas indifférentes à cette frénésie. On complétera l’amorçage avec des bouillettes de gros diamètres qui permettront d’accoutumer les carpes et de les maintenir sur le coup.

Pour que les amorçages massifs soient accessibles à toutes les bourses, voici une petite recette de bouillette hyper simple, pas chère, très digeste et surtout très efficace : 20 % de farine de maïs, 10 % de semoule de blé fine, 10 % de semoule de blé moyenne, 20 % de farine de soja toasté ou grillé, 20 % de farine de tiger nuts, et 20 % de farine de poisson. On pourra rajouter quelques gouttes d’arôme pour personnaliser cette recette.

Quitter la version mobile