Comme tout pêcheur, je suis aussi fasciné par les gros poissons, qu’importe l’espèce pourvu que le sujet soit majestueux, imposant et pas trop farouche pour arriver à lui tirer le portrait. La démarche est presque la même, avoir dans l’esprit un gros poisson et parvenir à le pêcher ou à le photographier est la finalité de nos gestes maintes fois répétés. Le cheminement pour y parvenir est porté par une passion dévorante, l’obsession du poisson.
Le but étant de faire une photo de leur capture pour les pêcheurs, pour moi c’est pareil mais sans l’attraper. Je vais donc parler de « capture » pour relier la pêche et la photo subaquatique que je pratique.
Capturer un gros brochet ou un gros sandre n’est pas chose aisée pour la majorité d’entre nous qui pêchons ou plongeons dans le domaine public, même si cela peut paraître plus facile pour un plongeur, il n’en reste pas moins que c’est une tâche pour personnes patientes et un peu enragées.
Le cas du gros brochet
Fantasme absolue des pêcheurs aux leurres, la poutre largement métrée, le « brocodile » comme l’appelle certains est un poisson rare sur le domaine public. S’il s’en pêche de plus de plus, c’est que les techniques ont beaucoup évoluées, et le nombre de pêcheurs les pratiquant aussi.
Reste qu’entre la capture d’un brochet de 1m15 et celle d’un gros 1m30 c’est la chance qui s’est invitée sur la ligne du pêcheur ou sur l’objectif de mon caisson, les fish exceptionnels ne se croisent pas souvent (sauf certains lacs). Je me rappelle d’une expérience que j’avais faite sur le lac du Salagou justement où j’avais immergé des roseaux pour créer une forêt verticale. Au bout de 2 jours des milliers de petites perches y passaient, au bout de 3 semaines j’avais un banc de très grosses perches, et à côté de ces friandises un énorme brochet que j’ai vu 2 fois de loin en eau claire, mais pas assez longtemps pour cadrer… J’avais, à l’époque, raté mon record pike sub, estimé à 17 ou 18 kilos. Ça peut paraître idiot pour le commun des plongeurs de commenter la taille des poissons mais quand on sait estimer la rareté extrême de ces vieux poissons on se doit de les catégoriser dans la tranche des ultimes captures.
J’ai vu plusieurs très gros brochets dans le lac du Salagou mais inapprochables (sauf les blessés…). Je n’ai pu en photographier qu’un seul dans le fleuve Hérault et c’est la chance qui m’a offert ce fish. Aveugle d’un œil, ce poisson n’a pu me voir et j’ai pu le cadrer pendant une demi-heure, « le poisson d’une vie » comme certains disent, je préfère dire « le poisson de l’année 2012 » …
Rencontrer un si gros poisson et réussir les images, c’est comme avoir la chance (encore elle) de le faire mordre et de le sortir de l’eau pour aussi faire une photo … la philosophie de la pêche rejoint vraiment ma pratique, il faut rester humble et ne pas rater le moment crucial.
La perche de l’espace
Une masta perche de plus de 50 cm, encore un poisson très rare, un poisson que je n’ai eu la chance de croiser que 2 fois en plusieurs centaines de plongées. De plus, ces poissons sont très vieux. Leur survie dans le temps, entre pollution, crue, sécheresse, prédateurs et pêcheurs une perche de 20 ans ça impose, il existe beaucoup plus gros mais pas dans ma région.
Comme pour faire une photo de brochet sous l’eau, je n’ai en général que quelques secondes pour cadrer, quelques secondes en plusieurs années, la question de la chance ne se pose plus …
Le hasard de la vie et des rencontres subaquatiques, j’aurai très bien pu ne jamais croiser ces grosses perches tout en sachant qu’elles existent. Mais la première fois que j’ai vu et capturé une pizza de plus de 2 kilos, de respirer mon cœur s’est arrêté de battre (j’me comprends).
Les petits, très petits bancs de grosses mémères que j’ai pu voir étaient constitués de 2 à 5 poissons, parfois un peu plus.
Il faut savoir qu’en fleuve un poisson sorti du banc est en danger, même si c’est une perche de 50, seule elle n’est pas au mieux, il faut donc relâcher ces fish, sur place et vite.
De la même manière dont je profite parfois de certains bancs de perches, je joue avec tout en faisant attention de ne pas les diviser en les stressant inutilement. Dès que le banc change de posture j’arrête de les approcher puis j’y retourne 15 minutes après.
Le sommeil du sandre
Un poisson atypique, le sandre tient plus de l’énigme que d’un fragment de certitude. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de croiser des grands sandres et de les cadrer pendant 1 heure en faisant des gros plans sans que le poisson ne bouge ou alors de quelques mètres seulement !
J’imagine que si un plongeur ne dérange même pas son sommeil, un leurre ne sera pas pris plus au sérieux …
Cet état de repos chez ce poisson et surtout chez les plus gros est assez unique car toutes les autres espèces s’enfuient à un moment ou à un autre. Sur frayère c’est autre chose.
Certains de ces grands sandres de 90, j’ai même pu les soulever tout doucement et les reposer au fond sans qu’ils ne bougent !!! En tous cas, ça laisse le temps de faire des images ou de pêcher pour rien !
La chance d’avoir eu dans ma vie de plongeur des grands sandres à capturer s’en est allée. En effet, ces sandres ont presque disparu de mon fleuve … Comme quoi il faut savoir pêcher tant que ça mord…