« L’enfer, c’est les autres » disait Sartre. Pas si sûr ! Certes, les carpistes sont nombreux, et la pression grimpe ! Mais les belles rencontres sont nombreuses et les carpes encore et toujours au rendez-vous.
Tout le monde s’en est rendu compte, la pression de pêche a considérablement augmenté ces dernières années. Il est de plus en plus difficile de trouver un endroit isolé pour déployer ses stratégies. La pression de pêche, toujours plus grande, influe directement sur le comportement des carpes. En clair, nos résultats ne dépendent pas seulement de nos faits et gestes, mais également de ceux des autres pêcheurs se trouvant sur le plan d’eau. C’est ainsi, et il faut s’adapter. Voyons le bon côté de la chose. Et pourquoi ne pas essayer d’en tirer avantage ?
La communication : le maître mot d’une session réussie
Je vois régulièrement des pêcheurs qui, lorsqu’ils arrivent sur zone, ne prennent pas le temps d’aller voir les autres, de discuter, d’échanger. Pour beaucoup, la pression de pêche est négative, car elle engendre des conflits entre les carpistes. Pourquoi ? Tout simplement par manque de communication. Les discussions sont souvent riches d’enseignements. Outre le fait de pouvoir rencontrer un nouveau pêcheur, on pourra ainsi savoir où le voisin a placé ses lignes par exemple et donc ne pas pêcher sur ses montages. En réalité, il faudra même s’écarter le plus possible pour ne pas exercer une pression de pêche trop élevée sur la zone. C’est souvent mieux pour les résultats de tout le monde. Discuter permet également de connaître l’atmosphère générale du plan d’eau : les carpes sont-elles en activité ? Y a-t-il beaucoup de pression en ce moment ? Y a-t-il des pêcheurs qui réalisent des amorçages sur une partie du lac ? Etc. Ces informations sont importantes à plus d’un titre. Si un carpiste amorce une zone depuis une ou deux semaines, le mieux à faire est de s’éloigner le plus possible de son amorçage. D’une part par respect du pêcheur et d’autre part, car il y fort à parier que tous les poissons se trouvant aux alentours sont conditionnés et fixés sur l’amorçage en cours. Les carpes seront alors assez insensibles aux autres appâts. Autant s’éloigner ; il sera alors possible de toucher un autre banc de carpes plus disponible. Toujours pour aller dans le sens du dialogue, je me souviens d’une conversation qui avait été bénéfique à tout le monde. Nous pêchions une gravière où la pression de pêche était constante et soutenue. Après avoir discuté avec les deux autres équipes présentes, nous avons tous convenu de reposer nos montages à midi. Cela permettait de faire du bruit une bonne fois pour toute et de laisser les poissons au calme par la suite. Cette initiative s’est révélée fructueuse. Tout le monde a eu des touches et de nombreux gros poissons ont été mis au sec.
La multiplication des pêcheurs au bord de l’eau permet et facilite les rencontres. Ainsi des groupes se créent et comme dit l’adage : l’union fait la force. Il suffit d’être un groupe de quelques pêcheurs échangeant les informations sur un lac pour progresser à une vitesse fulgurante. Chacun y trouvera son compte en capturant plus de poissons. Voilà un aspect purement positif de l’augmentation de la pression de pêche.
Savoir tirer profit de la pression de pêche
La pression de pêche a un impact global sur le comportement des carpes d’un lac ou d’une rivière. Les différents bancs de poissons changent leur itinéraire quand trop de lignes sont à l’eau. Les spots d’alimentation trop pêchés deviennent improductifs. Les périodes, les rythmes d’alimentation sont considérablement modifiés. Le stress des poissons augmente. C’est l’ensemble de ces paramètres qu’il faut prendre en compte quand on se rend au bord de l’eau. Comment réussir à leurrer un poisson stressé, sur ses gardes, ayant complètement changé ses habitudes ? Le comportement des autres pêcheurs peut nous mettre sur la voie. Pour mon frère et moi, la règle d’or est la suivante : il vaut mieux pêcher une zone réputée moins bonne, mais pêcher une zone de calme. Quand beaucoup de pêcheurs matraquent une zone connue comme étant productive, les poissons ont tendance à déserter l’endroit ou à stopper net leur activité alimentaire. Dans ce cas, il est bien de choisir un poste en retrait, ou l’impact des autres se fait moins sentir. Une petite baie, un poste où il est difficile de s’installer, n’importe quoi du moment que cette zone propose un peu de calme. Évidemment ce n’est souvent pas le poste dont on a rêvé toute la semaine en attendant le week-end, ce n’est sûrement pas le poste où il s’est fait le plus de poissons non plus (normal il est peu pêché). Mais le but est de capturer du poisson et une zone comme ça peut le permettre. Il faudra alors se montrer le plus discret possible. Pas tant au niveau des bruits que l’on produit sur la berge, mais plus dans le positionnement des montages. Il est nécessaire d’écarter ses lignes au maximum, quitte à réduire le nombre de cannes si la place manque. C’est primordial. Il faut tout mettre en œuvre pour que les carpes ne soient pas stressées par les fils. Une disposition en éventail des montages est parfaite pour ce genre de configuration. La canne de gauche péchera la bordure par exemple, celle de droite aussi. Pour ces deux cannes, il y a très peu de fil dans l’eau. Les deux cannes centrales pêcheront le large à des distances différentes en fonction des spots convoités. Elles seront écartées le plus possible l’une de l’autre, d’une distance d’au moins cinquante mètres. L’erreur à ne surtout pas commettre est de vouloir surcharger la zone avec trop de cannes. Les poissons sont sûrement là, juste devant, grâce ou à cause des autres pêcheurs. Le fait qu’ils restent en confiance conditionnera les résultats, d’où l’intérêt d’être discret et stratège. Deux ou trois cannes bien placées suffisent. Il nous est fréquemment arrivé de pêcher à 5 cannes pour nous deux, pas plus.
Dans les endroits surpêchés, la présence excessive de lignes dans l’eau effraie énormément les poissons. Une manière simple de réduire ce stress est de pêcher avec du nylon. Plus élastique que la tresse, il émet moins de vibration dans l’eau. Il a donc moins d’impact sur le stress des poissons. Il est en quelque sorte plus discret.
Adapter sa pêche
Malheureusement, il n’est pas toujours possible de se trouver une petite baie à l’écart des autres. Dans ce cas, il faut adapter ses approches, ses stratégies, ses techniques en fonction des autres. Lorsqu’un endroit est beaucoup pêché, mon frère et moi avons remarqué que l’approche des pêcheurs est souvent très stéréotypée. Tout ça pour une raison simple. Un pêcheur a pris la plus grosse carpe du lac à la tiger en pêchant à 60 mètres, tout le monde va mettre une tiger et fouetter ses montages à 60 mètres. Alors que moi je pense que c’est le moment de pêcher à la bouillette à 150 mètres du bord. Tout cela est très caricaturé bien évidemment, mais l’idée est là. Prendre le contrepied des autres permet d’avoir des résultats rapides. Mais que signifie exactement prendre le contrepied ? Cela ne veut pas dire pêcher la carpe au bouchon ou je ne sais quelle idée compliquée. Des choses simples et efficaces peuvent être mises en place rapidement. En général, modifier sa stratégie d’amorçage est la première chose à faire quand on est dans cette optique. Si tout le monde amorce en assiette : faites un amorçage de zone ! Si tout le monde amorce au bateau amorceur, amorcez au cobra ! Ces changements de disposition et de quantité d’appâts déstabilisent énormément les carpes. Varier les fréquences d’amorçage est également une bonne idée. Il est bien de pratiquer des amorçages préalables dans des endroits qui n’en ont pas l’habitude, d’amorcer le matin là ou la coutume est d’amorcer le soir. Soyons clair, la méfiance des carpes est à l’origine de nombreux capots, mais, paradoxalement, cette méfiance est engendrée par des habitudes que l’on peut aisément changer. Une variation dans la longueur du bas de ligne suffit parfois à faire la différence. Je ne compte plus les fois ou un changement des axes de pêche nous a rapporté un beau poisson. Tous ces petits détails, mis bout à bout, suffisent à leurrer des poissons conditionnés à une pêche stéréotypée.
Les spots peuvent changer également. Certains spots de bordure complètement stériles deviennent peu à peu productifs avec la pression. Les poissons savent où ils sont tranquilles et changent ainsi leur comportement alimentaire. Mon frère et moi appelons ces spots les « spots délaissés ». à vous de les débusquer en premier. Ce sont des endroits qui deviennent bons, car les poissons sont poussés à s’y nourrir à cause des autres pêcheurs, dégagés de leurs zones habituelles, faute à la pression de pêche. Ces spots délaissés ont un dénominateur commun : ils produisent une fois ou deux et redeviennent stériles. Quitte à se faire piquer, les carpes préfèrent se nourrir sur leurs zones de prédilection… Normal ! Mais, quand ils sont oubliés, ces endroits intéressent de nouveau les poissons et je vous le donne en mille, ce sont les poissons avec les plus gros besoins en nourriture qui s’y intéressent en premier… les grosses carpes en somme ! Ces spots peuvent revêtir une multitude d’aspects… lorgnez donc sur les bordures, et vous les trouverez !
Changer d’appât peut se révéler payant dans les zones surpêchées. Pourquoi s’obstiner à vouloir absolument pêcher à la bouillette. Un ou deux grains de maïs bien placés représentent une arme redoutable. Composer avec les autres veut également dire élargir son champ d’action à tous les niveaux. Cela peut commencer par les appâts.
Conclusion
La pression de pêche est un fait, une donnée qu’il faut intégrer à l’équation. Tout le monde se plaint en permanence de la surexploitation des zones de pêche, j’avoue ne pas être tout à fait de cet avis d’un point de vue purement stratégique. Certes, il est parfois plus agréable de pouvoir déployer ses stratégies de pêche sans vis-à-vis, sans aucune interférence, mais la présence d’autres pêcheurs permet de faire des rencontres, de nouer des amitiés, de mettre des stratégies communes en place. De plus, la pression engendre une sorte de stéréotype de pêche, dont on peut tirer profit en le contrant. Bref, apprendre à pêcher, c’est aussi et de plus en plus apprendre à pêcher avec les autres.