Depuis l’arrivée des carpistes pionniers dans les années 80, l’effervescence n’a jamais cessée sur le fameux lac Varois de Saint Cassien. Désormais, les passionnés se croisent en un mouvement perpétuel qui dure depuis plus de vingt ans. Des années qui laissent autant de merveilleux souvenirs que de mémorables capots. Dans le premier cas, on à hâte de recommencer, et dans le second, l’envie de se prouver qu’il s’agissait d’un malencontreux accident pousse les plus poissards à revenir. Le mécanisme est bien huilé…
Décembre 1959, il fait nuit lorsque la terrible catastrophe de Malpasset se produit. Sous la pression des eaux, le barrage du même nom construit non loin de la ville de Fréjus cède. Plusieurs centaines de victimes périssent balayés par une lame d’eau de plusieurs mètres de hauteur. Quelques années plus tard, en 1968, la retenue de Saint-Cassien est construite sur les hauteurs du massif de l’Esterel afin de produire de l’électricité et d’alimenter en eau potable les communes environnantes. D’une superficie d’environ 550 hectares, ce lac est constitué de trois bras. Il bénéficie d’un climat méditerranéen, synonyme d’ensoleillement important une bonne partie de l’année. La nature environnante est littéralement envoûtante, notamment par temps clair où le bleu de l’eau donne un aspect paradisiaque au site. Dix années seulement après sa mise en eau, un pêcheur niçois fait part d’une prise exceptionnelle dans un journal local et propulse le nouveau record Européen « carpe » à plus de 25kg. Les carpistes de toutes l’Europe accourent alors rapidement, certains que le lac possède un potentiel hors norme. Pendant que les premiers Français s’adapteront petit à petit aux nouvelles techniques modernes, les spécialistes Européens tels Dieter Tillenburg, les frères Van Den Hoven, K.Ellis et autres propulseront en 1987 le record du monde à une barre hallucinante pour l’époque : 35,200k. L’histoire de Cassien était en marche, rien ne pouvait plus désormais l’arrêter…
La réglementation en 2013
Beaucoup de choses sont à écrire au sujet du règlement actuel ; pour l’heure, contentons nous de le décrire…
La pêche de la carpe est réglementée de la manière suivante : 4 cannes sont autorisées, avec possibilité de pêche de nuit du 1er janvier au 2eme dimanche de juin, et du 2eme samedi de septembre au 31 décembre. Deux réserves permanentes sont balisées par des bouées jaunes au bras Nord (Belluny et Barrage). Une troisième est temporaire ; elle s’étend de la réserve ornithologique de Fondurane à la base d’aviron. Délimitée par des panneaux rouges, elle ouvre ses portes chaque année du 1er juillet au 31 décembre. La dépose des montages en bateau est interdite, mais peu respectée. A chacun de prendre ses responsabilités, avec le risque de tomber sur un garde zélé. Les abris non munis de tapis de sol et ouverts sur 1 tiers de leur surface sont autorisés, les autres sont plus ou moins tolérés en saison froide ou par temps pluvieux…sauf en période de fermeture de la pêche de nuit, où tout abri est verbalisé. Seul le moteur électrique est autorisé à Cassien. Coté « exotique », tout pêcheur pratiquant de nuit doit signaler sa présence par un signal lumineux permanent. Cerise sur le gâteau, il est impératif de placer des repères (autres qu’artisanaux) à l’aplomb des montages. Je vous laisse dès lors imaginer, pour ceux qui se feraient verbaliser (à qui je conseille vivement la contestation de cette infraction) la réaction du magistrat devant une telle affaire. Encore une fois, je reviendrai plus tard sur cette règlementation loufoque pour ne pas dire plus.
Localisez les réserves !
Par le passé, chercher du poisson à vue ou à l’échosondeur était le meilleur moyen de réussir sa session. Il m’arrivait d’ailleurs souvent de passer l’écho sur 2 bras avant de trouver quelques fameux « arcs » sur mon Eagle, ou mieux…d’avoir la chance d’observer un saut pendant ma recherche. Quelques années plus tard, il n’est même plus question de se donner cette peine pour de nombreuses équipes, qui se transmettent les postes productifs entres compatriotes de la même manière qu’on se passe le témoin au relais 4 X 400m… Ainsi, les « biwi pointe » du bras Sud (plus communément appelées « petites îles »), le grand Pont, et bien d’autres postes comme « les ruines » du bras Nord deviennent « impêchables » car littéralement « squattées » 11 mois sur 12. Plus récemment, avec la nouvelle mode des réserves, le mécanisme s’est encore modifié. Les carpes se rassemblent fort logiquement sur ces périmètres en fonction de certains besoins, qu’ils soient alimentaires, liés aux tropismes, au frai ou plus simplement à leur tranquillité. Le jeu n’est donc plus de rechercher « LE » bon poste sur les 400Ha restants, mais plutôt de se coller le plus près possible aux pieds de la bonne réserve…
Ceci enlevant du même coup une grosse épine du pied à bon nombre de pêcheurs au niveau de la localisation des carpes. Plus la peine de s’acheter un sondeur, car à la question « où sont les carpes ? » la réponse est rapidement donnée : C’est par là ! Soit à peu de chose près à droite ou à gauche du panneau rouge où est inscrit le mot « réserve »… Désormais, entre janvier et début juillet, les carpes n’ont plus de raisons de passer le bout du nez hors de la réserve temporaire du bras Ouest. Tant que le niveau d’eau leur permet, une grande partie du cheptel prend donc place dans les faibles profondeurs ensoleillées de Fondurane, ou bien, quand les températures grimpent, dans les couches d’eaux plus profondes situées entre le rocher de l’américain et Kévin Ellis. Un « choix du roi » qui leur fait la vie belle jusqu’à l’ouverture de Juillet. Ceux qui auront la chance de pouvoir récupérer un des 2 postes en limite pourront « récolter »… quant aux autres, prenez votre mal en patience et bronzez !
Et puis, le niveau baisse…
Les carpes basculeront alors de la réserve Ouest à celle du bras Nord finalement assez rapidement. Voici le mécanisme désormais bien établi de « la pêche de la carpe à Cassien ». Le jeu reste évidemment le même pour de nombreuses équipes, sauf qu’il n’y à plus à réfléchir : se placer aussi près que possible de la bonne réserve est désormais la stratégie la plus payante sur cet ex lac mythique. Passionnant le Cassien « relooking », non ?
Certes, il reste possible de prendre du poisson sur d’autres postes que ceux dépeints par ce constat malheureusement réaliste, mais je reste nostalgique d’un autre temps : celui des années « 90 », où seule la minuscule réserve de Belluny existait entre juillet et décembre. Un temps où les carpes se trouvaient alors en perpétuel mouvement, suivant qu’elles étaient dérangées ici où là. Le jeu consistait alors sans cesse de parvenir à retrouver du poisson lorsque les départs diminuaient…
Une toute autre pêche que celle visant à s’agglutiner aux pieds d’une réserve…
Coucher de soleil sur un lac légendaire…
Cherchez la bonne profondeur !
A Cassien, l’organisation des couches d’eau en couches horizontales est bien sûr réelle, mais qu’il s’agisse du réchauffement de la masse d’eau ou de son refroidissement, le tout réagit de manière extrêmement plus complexe que dans le cas, par exemple, d’un lac de forme arrondie ou ovale. Ajoutez à cela un climat incomparable, tantôt caniculaire tantôt capricieux, et le phénomène « thermocline » ici devient assez vite un casse tête ! Vous le savez tous, ce lac est formé de trois bras aussi différents les uns que les autres. Le Nord est le plus large et le plus profond (45mètres max). Le bras Sud est plus étroit et environ moitié moins profond, et on perd encore en largeur ainsi qu’en profondeur avec le bras Ouest. Lorsque l’eau est en phase de réchauffement (au début de saison), les trois bras ne réagissent pas de la même manière, car les masses d’eau en présence ne sont pas les mêmes. En fond de bras Ouest ou Sud, les eaux se réchauffent bien plus vite que celles du bras Nord, qui sont plus aptes à subir un brassage rapide avec les couches d’eau froide au moindre coup de vent. En été, la canicule peut durer plusieurs mois dans le Var. La thermocline descend en profondeur au fur et à mesure que les jours passent, tout en s’élargissant. Il est alors possible de trouver des températures supérieures à 16°c dans 20 mètres d’eau ! De quoi se poser de nombreuses questions lors de la dépose des montages…D’ailleurs, les mêmes questions se posent en hiver. En effet, contrairement à la période de réchauffement, le bras Nord peut, quand l’eau aborde son cycle annuel de refroidissement, proposer des couches d’eau plus chaudes que dans les deux autres bras, notamment lorsque le froid s’installe en l’absence de vent. L’eau se refroidit alors plus vite en surface qu’en profondeur, où il règne une plus grande stabilité thermique. Il est donc important de pêcher dans la bonne couche d’eau sur ce lac.
Appâts et amorçage
Le biotope du lac est riche ; on y trouve écrevisses et anodontes en abondance, et de plus en plus de corbicules au bras Sud. De bonnes raisons de privilégier des bouillettes carnées, qu’elles soient commerciales ou « maison ». 20mm est le diamètre minimum que je vous conseille pour résister aux indésirables. Les noix tigrées donnent d’excellents résultats ici tout au long de l’année, surtout dans une eau supérieure à 12°c. D’autres graines classiques attirent bien sûr les carpes à l’image du chènevis et de l’arachide, mais comme elles sont peu sélectives, je ne pêche qu’à la bouillette de 25mm. Diverses stratégies d’amorçages peuvent être employées, mais elles dépendent de facteurs tels que la température de l’eau et la pression de pêche environnante. La pêche au spot est souvent pratiquée, car économique ; elle permet de ne pas gaver le poisson, et parait-il, de ne pas l‘effrayer. Les amorçages massifs fonctionnent en été et peuvent se montrer redoutables. Si le poisson s’installe sur le secteur, la quantité d’appâts nécessaire peut très vite atteindre 15Kg par jour pour 4 cannes, alors à vous de voir si vous avez ou non les moyens de tenir la distance…
Matériel et montages requis
Le matériel requis à Cassien est tout ce qu’il y a de plus classique pour la pêche en grand lac. Un bateau sera utile pour les combats, qui, même s’ils sont réalisables parfois du bord, sont bien plus aboutis à l’aide d’une embarcation. Les piques s’enfoncent à peu près facilement sur tous les postes ici, il est donc possible de s’alléger en évitant le rod-pod. Je ne saurais trop vous conseiller d’emporter un tapis de réception digne de Cassien, et le mouiller copieusement avant utilisation. Des wadders sont un plus, car ils permettent de manipuler les poissons dans l’eau en toute saison.
Au niveau des montages, utilisez en priorité du fil. A Cassien, la tresse n’amène qu’un danger supplémentaire pour le poisson et ce lac est dans son ensemble assez propre pour pouvoir se passer de tresse, d’autant que les bancs de dressènes coupantes n’existent pas ici !
Un corps de ligne de 35 à 38 centièmes terminé par 15 mètres de nylon d’environ 45 ou 50 centièmes en guise de tête de ligne m’a toujours suffit sur ce lac. Utilisez des plombs assez lourds (120gr est un minimum) pour assurer un ferrage optimal du poisson. Le bas de ligne peut être fait en tresse du genre « Kryston » ou en fluorocarbone de bon diamètre (45 à 50mm). Coté hameçon, je préconise personnellement les petits hameçons, qui bougent beaucoup moins dans la bouches des carpes que les gros, tout en étant aussi solides. Je ne descends pratiquement jamais sous le numéro 6. Misez sur un montage simple mais efficace ; l’essentiel restant la fiabilité des nœuds et le piquant de l’hameçon. Ne croyez pas aux légendes qui veulent nous faire croire que les poissons de Cassien sont plus malins que d’autres et qu’il est nécessaire de les piéger avec ce qui se fait de mieux. C’est faux ! Mes montages sont les mêmes que dans les années 90, si ce n’est que j’ai remplacé le bas de ligne Kryston par du fluorocarbone. Si vous pêchez sur un secteur propre, comme on en trouve au bras Ouest, ou sur de la pente raide (falaises du bras Nord), il est préférable de plaquer ses fils au fond à l’aide Back-Lead, les carpes auront plus de mal à détecter leur présence.
Respectez ce lac légendaire…
Fin 2008, il a été fortement question de faire passer la PDN en pêche de weekend. A terme, elle risque tout simplement d’être interdite. Pour lutter contre la mauvaise direction que prend la législation ici, veillez à laisser votre poste propre en partant. La lutte contre les incendies est une priorité absolue dans cette région régulièrement soumise aux sécheresses De ce fait, réchaud, chauffage, feu et cigarettes sont interdits toute l’année. Gardez à l’esprit que chaque poste de Cassien est observé à la jumelle l’été !
…et ses poissons
S’il est une chose que l’on a comprise après de longues années de traque ici, c’est que plus un poisson est lourd et âgé, plus il est fragile. A force d’être sollicités, manipulés, leur durée de vie s’en trouve réduite, que ce soit accidentellement, ou à cause des stress cumulés à chaque capture. Il aura fallu plusieurs années aux carpistes de toutes nationalités pour apprendre à écourter le séjour des carpes hors de l’eau, et utiliser des tapis de réception réellement efficaces. Ces derniers points constituent pour moi l’évolution la plus importante des dix dernières années, alors continuons dans cette voie…