Qui n’a jamais eu envie de faire une prise record au moins une fois dans sa vie ? Le poisson que tout le monde rêverait de glisser dans son triangle ? Tout commença par un week-end de mi-février, une session en binôme de deux nuits prévues sur un lac du sud niché en pleine nature où la pression de pêche est très forte. Un plan d’eau que nous connaissons, la pêche est difficile, les prises par session ne sont pas multiples mais sur une touche ça peut rapporter gros. La preuve en est…
Arrivé sur les lieux seul le vendredi matin aux aurores, le soleil pointe le bout de son nez à travers cet épais nuage de brume humide d’hiver. Il est temps de trouver un poste, quelques carpistes sont déjà en train de s’installer. Cela ne gêne en rien car le lac est assez grand, et les pêcheurs ne sont pas sur des postes convoités. Cette semaine-là il y a eu beaucoup de vent, un vent traversant le lac d’ouest en est. En temps normal, comme tous pêcheurs je serais descendu sur le lac pour avoir la berge claquée par ce fort vent d’ouest. Mais là, je ne sais pas pourquoi, je décide de rester côté opposé, comme un bon ressenti guide mon intention.
Le poste est choisi, et s’en déroule le train-train habituel, toute la logistique que ce soit bivouac ou côté pêche est sortie et installée, seules les cannes ne pêchent pas encore. Le temps d’un café, il est l’heure de réfléchir niveau stratégie à adapter lors de cette session. Sur ce lac où la pression de pêche est intense avec des poissons devenus méfiants avec le temps, il faut savoir être discret, se démarquer des autres pêcheurs présents.
Réduire le nombre de lignes sur une batterie peut-être très judicieux
Le choix est fait, pas plus de deux cannes malgré l’étendue d’eau qui s’étend devant le poste, ça sera une première canne en bordure à 15 mètres de la berge à la limite d’une barre d’herbiers dans 2 mètres d’eau, et une deuxième canne posée à cent-vingt mètres devant une forêt immergée à l’aide du bateau amorceur car la navigation y est interdite. Rejoins par le compère plus tard, une stratégie identique sera mise en place pour rester un maximum discret niveau lignes qui trempent dans l’eau.
En ce qui concerne les appâts, les deux cannes seront eschées d’un wafter monté sur un chod-rig. Côté amorce, un mélange de tigers sucrées/acidulées et de bouillettes Spisea de chez O2Spot.
L’attente peut commencer, la nuit se couche tôt, c’est encore l’hiver, mais un hiver très doux qui laisse penser que les carpes continuent de s’alimenter. La première nuit passa… Pas comme prévue, car effectivement si les carpes continuaient à s’alimenter, les autres espèces aussi ! Les premières vingt-quatre heures se solderont avec trois moustachus et un chevesne . Et toujours pas le poisson escompté.
La seconde moitié de la session s’engage doucement, mais que faire ?! Changer de spot, voire de poste, pour essayer de trouver dame carpe ? Non, car en connaissance des lieux, c’est un très bon poste sur quasi l’année, mais pêcher différemment peut-être sur les spots déjà choisis. Pour la canne de bordure rien ne change car elle est restée muette, mais pour la deuxième canne qui pêche au loin, le bateau amorceur ne sera composé que de quelques tigers et cinq billes coupées en deux, puis une large zone d’environ cent mètres carrés voire plus sera amorcée à l’aide du cobra autour de mon esche pour essayer de disperser les autres espèces et surtout les silures…
La deuxième nuit se passe et toujours pas de carpe au tapis. Seul point positif, c’est que les silures sont restés muets, peut-être dû à la manière d’amorcer ou alors ils ont simplement trouvé d’autres terrains de jeux. N’empêche que les carpes n’ont toujours pas voulu montrer la pointe des barbillons. La session est quasi terminée c’est parti pour finir sur un capot en bonne et due forme…
A l’heure du café
Il est dix heures, le temps de se lever doucement en traînant des pieds car il est presque l’heure de remballer et dieu sait qu’après un week-end comme ça la motivation est loin d d’être là. Un ami de passage arrive sur le poste, une discussion habituelle entre pêcheurs s’engage autour d’un café bien noir, quand soudain au loin le son du détecteur de la canne qui pêche à ras des arbres immergés se mit à retentir. Un bip, aucune réaction sur le poste, puis un deuxième, palpitations au cœur qui s’enclenchent, l’ami de passage s’esclaffe disant que c’est un chevesne qui s’est piqué, le temps d’arriver à la canne située à quelques mètres du campement, le moulinet se met à dérouler tout doucement sous mes yeux ébahis. Ni une ni deux, une première prise de contact avec le poisson s’effectue. Pour commencer ce n’est probablement pas un moustachu à la vue de la sensation du combat, mais cela paraît lourd, très lourd au bout des ces 120 mètres de ligne qui nous séparent ! S’en suit un combat, disons en deux étapes, une première remontée de moitié de distance qui s’effectue assez facilement tout en n’ayant toujours pas vu cette prise, puis le poisson se sentant remonté dans moins d’eau, s’approchant des berges, remonta en surface d’un coup de queue magistral tout en enchaînant un gros combat. C’est bien une carpe, enfin, mais toujours dans le flou sur le type de carpe : commune, miroir, petite, grosse mais le principal est là. Une carpe, alléluia ! Après une quinzaine de minutes de combat intense sans jamais revoir la moindre écaille, car c’est un sous-marin, un char d’assaut et cette carpe le sait, ça sonde comme jamais vu auparavant ! La carpe se rapproche doucement mais sûrement.
Aurais-je gagné cette bataille ?
Oui, tout en reculant sur la berge pour assurer les derniers mètres du combat et être sûr de ne pas perdre ce poisson, le binôme s’avance dans l’eau épuisette parée en main et glissa cette prise dans le triangle telle une lettre à la poste !
« Put*** mon agneau, t’as fait une big, une tête du lac c’est sûr ! »
Il se mit à crier de tout son cœur, quant à moi n’ayant toujours pas réellement vu cette incroyable prise, pas à pas, à la découverte de l’épuisette, une carpe de mensurations XXL fait son apparition. Des larmes de joie nous réchauffent le cœur et récompensent le travail d’équipe mis en place. Nos cris entendus sur le lac auront rameuté les pêcheurs voisins dans les minutes suivantes, et tant mieux car il aura fallu quelques paires de bras pour manipuler cet énorme poisson avec précaution.
Ce poisson est tellement lourd que mon matériel soi-disant haut de gamme n’aura pas résisté. J’y ai laissé une bassine aux arceaux pliés et un sac de pesée déchiré net, mais j’en garderais un souvenir impérissable !!
A la pesée de ce poisson hors norme, nous sommes cinq, des enfants devant la vitrine d’un magasin de jouets, et le verdict tombe : 38,3 kilos !!! Ni plus ni moins que la 4ème plus grosse carpe du domaine public français ! Nous savions que le poisson allait accuser lourd mais à ce point, non ! Un moment inoubliable, de joie et de partage, les yeux tous ronds de voir une telle merveille de la nature. Un moment et un sentiment que je souhaite à tout le monde !
Conclusion de cette session unique qui n’arrive que très peu voire qu’une fois dans sa vie, toujours y croire jusqu’au bout, et ne pas hésiter à se remettre en question sur sa vision des choses, il n’y a ni bon ni mauvais pêcheur, juste quelques passionnés réunis autour d’une seule et même passion, La Pêche…