Le titre est volontairement noir mais il a pour but de nous faire ouvrir les yeux et nous faire prendre conscience de la place de la pêche de la carpe en France depuis les années 2000 jusqu’à aujourd’hui. Et lorsqu’on regarde cette évolution, nous pouvons nous poser quelques questions…
Il y a 20 ans, la pêche de la carpe était le moteur de la pêche en France attirant de plus en plus de nouveaux pratiquants qui s’équipaient généreusement et tout cela faisait que les ventes de matériel carpe portaient tout le secteur de la pêche.
La génération 90
Il y avait eu les pionniers, et là c’était la vague de la nouvelle génération qui arrivait avec ce que j’aime appeler la génération 90, de nombreux pêcheurs jeunes et motivés dont certains noms sont toujours bien présents sur la scène halieutique. L’époque aussi de l’ouverture sur Internet et l’apparition de sites et forums dédiés à la pêche de la carpe où tout ce petit microcosme se rassemblait. L’époque de la technologie, avec des détecteurs de touche électronique, les bateaux amorceurs, de la science pour les appâts, bref, un monde en mouvement qui allait de l’avant.
Changement de communication
L’évolution négative s’est tout d’abord faite ressentir à travers les médias. Les magazines, qui étaient alors très nombreux (au moins 6 magazines carpe différents en 2008) ont commencé à disparaitre un à un. Saturation du marché certainement, pour qu’il n’en reste qu’un seul aujourd’hui. La faute aux éditeurs qui n’ont peut-être pas su proposer le contenu qu’attendaient les lecteurs, mais aussi la faute aux marques qui n’ont pas su accompagner les magazines. Et messieurs les anglais ont tiré les premiers, notamment avec Korda qui a très vite imposé sa vision de ne pas être présent sur des supports où d’autres marques sont présentes. Cette stratégie a visiblement fonctionné pour eux et avec une vision nombriliste à propos de cette stratégie, on peut dire que c’est un succès. On pourrait tout de même débattre et se poser la question de savoir si ça aurait marché encore en restant dans la démarche traditionnelle. D’autres marques ont ensuite suivi le même chemin et cela a été le début de la catastrophe pour les médias. Mais à plus long terme, c’est moins de magazines, moins de projets, moins d’innovations, moins de compétitions et un monde de la carpe qui s’affaibli avec le temps avec de moins en moins de pêcheurs de carpe. Lorsqu’une marque de pêche décide de prendre de la publicité sur un magazine, sur un site internet, sur une compétition, les gens voient directement un aspect commercial, c’est en effet évident à court terme. Mais il y a aussi un effet global à long terme, pour tout le monde, avec la visibilité et l’engouement que cela apporte. Moins de compétitions, de salons, de médias sur la pêche, c’est moins de pêcheurs dans quelques années.
Le carnassier prend les devants
Dans le monde de la pêche, la pêche des carnassiers a pris les devants pratiquement en tous points. Une pêche plus dynamique, plus jeune, avec moins de matériel et des innovations dans les leurres comme on a pu le vivre pour les bouillettes dans les années 2000. Cela correspond davantage au style de vie, de tout consommer vite et en quantité. On a une canne, quelques leurres et on part pêcher une paire d’heures sans devoir charger et décharger un utilitaire rempli de matériel. Il faut bien avouer que cette partie de la pêche de la carpe est un calvaire, même en se restreignant et même avec les nouveaux chariots électriques… Au passage, rien que le chariot prend l’intégralité de la place dans le coffre d’une voiture normale, c’est dire que la pêche de la carpe nécessite une logistique contraignante. Aujourd’hui, pour les yeux d’un jeune pêcheur, ou même du grand public, il semble tout de même plus attrayant et plus fun de pêcher le carnassier, l’arrivée des bass-boat et des nombreuses compétitions en France n’y est pas étrangère. L’innovation avec les sondeurs et les leurres, les bateaux surpuissants au look attrayant, une pêche sans trop de matériel, bref vous l’avez compris, le carpiste déguisé en arbre avec sa tenue camou ne fait plus vraiment rêver, encore moins lorsqu’on le voit avec un campement dégueulasse, avec une mention particulière lorsque des bouteilles d’alcool sont visibles. Heureusement, en France il reste encore l’effervescence pour les salons, et comment ne pas citer le salon de Montluçon qui est un évènement à ne pas manquer. Mais le covid est passé par là, le salon a été décalé à 2023 les chiffres sont un peu en deçà des attentes. Ce n’est pas de bon augure mais espérons que ce n’est qu’un détail et que cette grande fête de la pêche de la carpe continuera d’être le faire-valoir pour montrer que le monde de la carpe en France est toujours bien présent et important.
Les agressions extérieures
D’un point de vue extérieur, pour le grand public, il y a de plus en plus de remises en question de la pratique de la pêche en no-kill. En effet, les protecteurs des animaux nous accusent de jouer pour notre seul plaisir, à faire mal aux poissons. Avec une méconnaissance de la pêche et en ne réfléchissant pas plus de 30 secondes, le grand public peut effectivement prendre ces raccourcis et dire que la pêche en no-kill est une pratique barbare d’un autre temps qu’il faudrait arrêter. La pratique de la pêche des carnassiers est plus brutale avec parfois 2 hameçons triple et des poissons qui ne repartent pas toujours vivants, mais au final c’est peut-être une chance pour ce type de pêche qui contredit l’argument des antispécistes : les pêcheurs de carnassiers pêchent aussi pour manger, et comme ils ne vont pas tout ramener à la maison, les poissons en bonne santé retournent à l’eau pour assurer la reproduction. Dans le monde de la carpe, c’est beaucoup plus compliqué puisque nous remettons quasiment tous nos poissons à l’eau et je crois qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de conserver un spécimen de +15kg pour le manger en famille. Tant mieux, mais il y a fort à parier que cet aspect sera, et l’est déjà, pointé du doigt pour nous faire passer pour des barbares aux yeux du grand public. Pour le moment ce n’est pas vraiment un problème, mais d’ici quelques dizaines d’années ça pourrait le devenir, il n’y a qu’à faire un tour du côté de nos frontières allemandes et suisses.
Un manque d’évènements
Autre point très marquant du problème carpiste, c’est le nombre de compétitions et d’événements motivants pour la communauté. Comme évoqué un peu plus tôt dans l’article, il ne reste bien que la World Carp Classic qui reste un événement de grande importance et qui attire les foules, alors que les compétitions de grande envergure sont toujours de plus en plus nombreuses du côté de la pêche des carnassiers, notamment en Espagne et en Italie pour le black-bass et la Hollande pour les autres carnassiers. La faute peut-être à ce qu’est devenu la pêche de la carpe en compétition, à savoir pêcher perché sur un escabeau, avec une grande bâche sur le sol, pour pouvoir utiliser des montages zig sur des carpeaux de 3 kilos. C’est assez loin de la pêche de la carpe que nous pratiquons, et lorsque la compétition n’est pas un moteur pour la pêche de loisir, c’est aussi problématique.
Des vidéos qui n’aident pas
Là où la perte de vitesse est encore plus flagrante, c’est dans la production de nouveaux contenus. Alors oui, le monde de la carpe peut se targuer de produire les meilleures vidéos de pêche en France, avec des productions vraiment abouties, des images superbes, des ambiances magnifiques, des émotions… mais c’est beaucoup trop de temps ! La mode est au format court, et en quantité. Absolument l’inverse de ce que produit le monde de la carpe depuis le début, et donc difficile de plaire à la nouvelle génération. J’ai bien peur que la pêche de la carpe devienne d’ici quelques dizaines d’années la pêche à papy, comme l’image que nous pouvons avoir de la pêche au coup. Les Youtubeurs à succès axés sur la pêche du carnassier sont nombreux, une bonne dizaine, alors qu’il n’y a personne pour représenter le monde de la carpe, c’est la preuve que le monde de la carpe est en pleine stagnation et peine à se renouveler. Serait-on arrivé à la fin d’une ère ?
La passion reste
Il y a une chose que l’on n’enlèvera pas au monde de la carpe, c’est la passion. Si un pêcheur de carnassiers peut facilement s’arrêter de pêcher d’un jour à l’autre, cela est beaucoup plus rare pour le monde de la carpe. Les passions sont grandes, souvent déraisonnables et ceux qui commencent ne s’arrêteront probablement jamais de pêcher ce magnifique poisson. Il en faut de la motivation pour balader le matériel, pour amorcer, investir autant d’argent et de temps, dans l’espoir de capturer une belle carpe. Alors pour ces gens-là, la passion est là et coule vraiment dans les veines. Si les nouveaux arrivants dans ce monde sont moins nombreux, il est fort à parier que le nombre de pêcheurs de carpe ne va pas diminuer d’un seul coup, ceux qui aiment cette pêche resteront là encore longtemps.
L’avenir nous dira si le monde de la pêche de la carpe a un avenir prometteur ou non, il y a de bons espoirs pour que de nouveaux projets viennent rebooster cet univers un peu stagnant. Mais au final, est-ce vraiment un mal ? Et bien en étant un peu égoïste, c’est même plutôt une bonne nouvelle ! Moins de monde au bord de l’eau, moins de pression de pêche, c’est l’assurance de meilleurs moments passés sur les berges. Il y a encore de belles choses dans cet univers, et surtout, la passion des pêcheurs de carpe est tellement grande que cela servira de moteur pour faire évoluer notre petit monde.