Les leurres qui ont marqué la pêche en France

De tout temps le pêcheur a cherché à se compliquer la vie en introduisant une petite dose de challenge dans sa pêche, c’est pourquoi la pêche aux leurres a toujours séduit. Quelques uns de ceux-ci ont marqué l’histoire de la pêche en France.

La pratique de la pêche aux leurres ne date pas d’aujourd’hui, si son dernier grand développement date des années 1990, on découvre que celle-ci a vraiment démarré au 19ième siècle. A cette époque le manque d’infrastructures d’import-export et de médias internationaux ont permis qu’émerge localement des leurres qui ont marqué l’histoire. Si certains sont assez rapidement tombés dans l’oubli, d’autres existent encore et prennent toujours du poisson.

Avant la mondialisation

Bien avant Amazon et sa livraison en 48h00, il y eu le catalogue Manufrance. Véritable bible pour une majorité de citoyens vivant loin des grands centres urbains, il permettait de s’équiper avec ce qui était le dernier cri de l’époque. Dans les années trente, seuls quelques magasins parisiens proposaient des leurres étrangers, surtout américains. On pouvait déjà y trouver des poissons nageurs, d’autres petits fabricants français s’en sont inspirés et ont mis à leur tour sur le marché quelques leurres innovants. Le catalogue Manufrance de 1930, époque où le lancer léger se développa chez nous, ne proposait alors qu’un modèle de poisson nageur, et neuf modèles de cuillers tournantes. Quelques années plus tard le choix devint bien plus étoffé avant que la seconde guerre mondiale ne fasse totalement chuter ce marché. Les années 50 et les années 60 virent arriver le nylon et la fibre de verre, la pêche au leurre fut bien relancée mais dans l’hexagone on pêchait toujours majoritairement à la cuiller. Si Rapala était bien connu, le tarif élevé de ces leurres le cantonnait à une catégorie aisée de pêcheurs. C’est dans les années 80, avec la démocratisation du leurre souple qu’un souffle nouveau arriva sur le pays. Ces leurres ultra efficaces et peu chers ont doucement détrôné la cuiller alors au pinacle de sa renommée. Vinrent ensuite les années 90 et l’arrivée, via les pêcheurs en mer, des leurres japonais qui ont mis en place cette pêche au leurre que nous pratiquons encore à l’heure actuelle.

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
La page des leurres du Manufrance de 1930.

Des débuts qui remontent au 19ième siècle

Ce sont nos voisins anglais qui ont été les plus novateurs dans le domaine de la pêche au leurre, non pas que les Français ne l’aient pas été mais ils n’ont pas vraiment laissé de traces écrites à ce sujet. Les cuillers ondulantes et tournantes sont nées outre manche avant d’arriver en France. Pour que le leurre se développe, il fallait aussi que les moulinets, cannes et fils en fassent de même et évoluent vers plus d’efficacité. Là encore ce sont les anglais avec les soies spécialisées puis le gut qui ont permis à la pêche aux leurres de prospérer au début du 20 ième siècle. La France est restée longtemps très attachée aux leurres métalliques, tout simplement parce que la pêche de l’époque était celle de la truite et que la pêche des autres carnassiers aux leurres était marginale contrairement aux Etats Unis. Il y eu bien quelques leurres vraiment novateurs pour l’époque tel que le Pike-Couic, un leurre souple armé, ainsi que le Vivif qui préfigurait les shads mais ils sont tombés dans l’oubli et leur distribution les cantonnait aux grandes agglomérations où des détaillants bien achalandés pouvaient se permettre de les proposer à une clientèle aisée.  C’est vraiment dans les années 1980 que les trois grandes familles de leurres telles qu’on les connait ont été correctement distribuées en France.

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
Metallique, dur et souple, les trois principales familles de leurres.

Le leurre métallique

Le devon fut avec la cuiller ondulante les premiers leurres métalliques en France, mais l’arrivée de la cuiller tournante, surtout avec l’Aglia de Mepps, imposa son usage pour la pêche au lancer léger. La cuiller tournante existait déjà depuis des lustres mais André Meulnart, créateur de Mepps, lui donna une autre stature avec un leurre qui nage bien, profond, régulier et dont la finition était parfaite. La suite de l’histoire fit qu’il développa outre atlantique sa marque et grâce aux profits put aussi la développer en France. L’Aglia est restée durant des décennies la cuiller la plus vendue dans notre pays. La diversification de la pêche au leurre dans les années 80 a aussi amené cette marque à mettre au point deux autres célèbres cuillers mais destinées principalement au brochet : la Lusox et la Syclops. C’est portés par de célèbres journalistes halieutiques français de l’époque que ces modèles sont restés longtemps les références pour la pêche d’esox et que toute une génération de pêcheurs sportifs ne juraient que par elles.

« La cuiller tournante existait déjà depuis des lustres mais André Meulnart, créateur de Mepps, lui donna une autre stature»

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
Aglia, Lusox et Syclops, Mepps dans tout son génie.

L’ Aglia de Mepps

Brevetée en 1938, cette cuiller à la palette originelle mise au point par un ingénieur de chez Peugeot se nommant André Meulnart, est le plus bel exemple d’un leurre Français parti à la conquête du monde. Elle est désormais connue partout sur notre planète et est le modèle le plus distribué au monde.

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
L’Aglia moderne et vintage, quelques différences sensibles.

Le leurre dur

C’est incontestablement Rapala qui en 1936 a développé la pêche au poisson nageur. On en trouvait déjà avec des productions US mais de façon très marginale. Rapala a industrialisé et surtout mis en place un circuit de distribution afin que ses leurres soient disponibles dans la plupart des pays d’Europe dont la France. Pour autant l’usage du poisson nageur a mis longtemps à se démocratiser, la raison en est le coût élevé pour l’époque qui freinait les ardeurs des plus passionnés.  Cette marque est restée quasiment la seule durant des décennies à proposer des poissons nageurs chez les détaillants. Certes, des marques comme Rublex proposaient des leurres durs à truite mais honnêtement ils ne souffraient pas la comparaison face aux coloris et au design des Rapala. La révolution est arrivée du pays du soleil levant avec la marque Lucky Craft dans les années 90. D’abord cantonné à la pêche du bar en mer, le légendaire B’Freeze s’est démocratisé dans les eaux douces, ouvrant la voie à l’importation de marques de leurres de qualité avec une finition inconnue pour l’époque. Coté US, les leurres Storm ont aussi fait leur apparition chez nous et si la finition était un ton en dessous, le tarif était plus abordable. Avec le leurre dur, les marques françaises Illex et Sakura, crées pour l’occasion par Sensas et Sert, ont pu proposer au public hexagonal des leurres crées spécialement pour eux ou adaptés de modèles existants à l’étranger. Celles-ci ont bénéficié du réseau étendu de distribution de ces piliers de la pêche française pour être accessibles partout. Désormais le choix est immense, le plus grand site de vente en ligne propose pas moins de 105 marques possédant de 2 à 50 références chacune, ce qui donne le tournis.

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
Le Rapala flottant original, la légende dans un coloris moderne.

Le leurre souple

Le LS comme on l’appelle familièrement aurait été inventé aux Etats Unis et la légende raconte que ce serait Nick Creme avec son Wiggle Worm qui en serait l’instigateur dans les années 50. En France le leurre souple mettra du temps pour s’installer car il n’était tout simplement pas importé. Les français l’ont découvert dans les années 80 avec le Twist de Mister Twister puis le shad de la même marque avant qu’Alain Delalande ne fasse venir des machines des Etats Unis et se mette à fabriquer un leurre de référence qu’est le Sandra.  Delalande eu le mérite de s’attaquer à une grande marque US et de s’installer à partir de rien sur le marché français puis au-delà par la suite.  Le Sandra puis le Shad Gt sont devenus des références pour un très grand nombre de pêcheurs français qui les utilisent toujours. Si au début c’est la célèbre virgule qui a démarré l’engouement pour la pêche aux leurres, dorénavant c’est le shad qui se vend le plus. Il est décliné en de multiples modèles et marques et on se perd devant tant de choix. Cantonné à la recherche du sandre et de la perche durant les années 80/90, c’est avec l’arrivée des techniques nordiques qu’on a vu apparaitre la pêche au soft swimbait avec des shads de 14 à 25 cm. Là aussi les fabricants français se sont lancés dans l’aventure au début des années 2000 avec la démocratisation de la pêche en grands lacs portée par une nouvelle génération de pratiquants. Sont apparus alors les Pulse et Ripple de Berkley, certes étrangers mais conçus par un Français, ainsi que les Dexter Shad, G’Bump, Shad Gt pour ne citer que les principaux. Du coté de la verticale, autre technique porteuse pour le leurre souple, les premiers modèles étaient étrangers mais les fabricants français n’ont pas mis longtemps à proposer des gammes très adaptées à cet usage particulier.

Le Sandra de Delalande

Crée en 1994 et produit à plus de soixante millions d’exemplaires depuis, cette virgule s’est imposée longtemps comme la référence des leurres souples.  Toujours très utilisée, ce sauve bredouille est souvent présent dans la boite de tous les pêcheurs, une référence toujours d’actualité.

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
Le Sandra de Delalande, une référence en France.

Le choix, avec la mondialisation, est devenu tellement important que désormais il est à craindre qu’aucun leurre ne reste au catalogue plus de quelques années. La course aux nouveautés et aux prix bas favorise les copies chinoises qui inondent le marché au détriment d’un marché national où quelques marques parviennent encore à innover. Le Black Minnow de Fiiish en est un bel exemple, mais qu’adviendra t’il demain ?

Leurre historique pour la pêche des carnassiers
Le Black Minnow, un leurre souple français reconnu mondialement.

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